Le quilinexe

Le qui linexe est étrange. Il existe rarement par lui-même, il est souvent doublé, et serré contre ses congénères comme dans une boite de sardines. Il est difficile de le prendre seul, tant il est solidaire des autres. Il est communément admis qu’il est fait de bois d’arbre. On l’appelle parfois blave, pistolet, blavin, tire-jus (pas de la treille), pochette, moucheux ou même mouchoir, mais aussi parc à huitres.

Les quilinexes sont des posés.
Leurs demi-frères de la marque C sentent le poisson, la marée, la criée vers midi ;
Est-ce à dire qu’ils proviennent de forêts aquatiques ? Ou sont-ils faits de peau de poisson étirée découpée et blanchie ? J’en regarde la texture attentivement, pour essayer d’apercevoir quelques débris d’écaille…

Il est très désagréable de se moucher dedans. Une brise d’étal détale à perdre haleine à travers les feuillets légers, point d’iode ni de varech, non, juste le vieux coquillage oublié au soleil ou quelques têtes qu’il est de bon thon de humer, moi ça me rhume !

Je froisse ce mouchoir éphémère, sous mes doigts il s’épanouit en fleur de corail mort.
D’un geste large, comme un magicien, je le secoue, telle la jeune fille énamourée agitant son carré de dentelle brodée au départ de son prétendant appuyé au bastingage du grand bateau blanc en partance vers les Amériques en signe d’une attente éternelle et d’une fidélité sans faille…Oui, bon, je le secoue, dis-je, et s’en échappe une nuée de cailles tenant en leur bec un fromage, non, un carré de merlan pané (désolé, je n’avais pas bien lu l’étiquette). J’en déduis que l’es caille vient bien du quilinexe qui provient bien du poisson.

Le quilinexe est logique. Je le déchire en bandes égales, pour en faire les touches blanches du piano, et j’en sors un écho, c’est l’écologique qui se dissout.

Le quilinexe devient quili Manjaro quand il enveloppe la neige éternelle…

Indispensable dans les douleurs lacrymales, il a un merveilleux pouvoir d’absorption des cris, détresses, angoisses, paniques, désespoirs et autres suffocations en tous genres, il est breveté anti-coulure sur l’oreiller pour un rouge-à-lèvres qui file, écritoire improvisé pour l’envie impétueuse d’un premier jet, bouchon de secours pour l’orifice du carburant quand Bouchon d’Origine a décidé, par pur esprit espiègle, de rester en villégiature à la station service.

Le quilinexe est interchangeable à loisir, sans aucune fierté, il accepte toutes les positions, toutes les situations, même extrêmes, il est malléable à l’envi, et n’envie certes pas ses cousins en tissu, car lui, au moins, ne resservira pas ! Usage unique, il a malgré tout la vie dure : il s’accroche de toutes les forces de ses bribes, avec générosité sur les vêtements à l’envers, à l’endroit, aux coutures, lorsqu’il reste malencontreusement dans une poche de pantalon lavé à la machine !

Quilinexe, ce soir je t’honore, mais si tu sentais moins mauvais je t’aurais déifié !

Eve de Laudec
7 septembre 2010

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1 commentaires sur “Le quilinexe

  1. admin says:

    09.06.2012 22:54 Evedelaudec
    merci minou de ton passage et ta lecture 🙂

    09.06.2012 18:43 Minou S
    Excellent quilinexe, quel bel hommage rendu à ce compagnon de tous les instants !

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