Salle d’attente

Dans la salle d’attente du médecin de quartier, un jeudi après-midi, à l’heure digestive où les patients s’amassent et s’entassent et s’affaissent à la consultation sans rendez-vous, dans un silence de bon aloi pour des patients aux abois, j’ai soudain entendu ronfler.

Oh ! Pas la petite ronflette discrète et élégante d’une nuque relâchée sur un ventre béat, non, pas le soupir ténu appuyé sur mezzo ou même soprano d’une chanteuse aphone, point de chuintement, imperceptible son, d’un zéphyr égaré dans les mailles du ciel, ni l’aspirant suçon d’un téton découvert, encore moins le murmure d’un bébé lamantin, non

Monstrueux, un renâclement chevalin de naseaux obstrués, véritable vrombissement du fond des âges, une impérative décharge à faire tressauter les rochers, l’appel tonitruant intimant aux faibles leur reddition immédiate, le déraillement d’une locomotive lancée à pleine vitesse contre un mur de silence, la fanfaronnade des tromblons municipaux, un hululement de rhinocéros blessé en pleine savane, une horde de borborygmes sifflants accrochés aux lianes…

Je n’ai vu pas immédiatement quel patient s’oubliait ainsi, étant pour ma part, au moment de l’affaire, littéralement plongée dans un fascinant recueil de poésie,
Soulevant une paupière désabusée afin de découvrir quel gêneur osait créer une telle panique dans ce lieu de recueillement de maux en tous genres,

j’ai réalisé avec horreur que tous les regards désapprobateurs étaient tournés vers moi.

Eve de Laudec
Avril 2012

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