(tableau de Christine Leininger)
Voulais atteindre le vaisseau d’en haut, cette tortue volante qui fonçait dans l’outre-mer, ailes fuselées tendues en arrière, enserrant dans ses puissantes mâchoires un poisson de lune qui ne pouvait ouïr. Elle pourchassait l’otarie d’acier grimée en nuage pour échapper à l’œil exercé du reptile.
Voulais tant savoir pourquoi elle engloutissait les vols au vent.
Alors me suis engagée dans l’océan pour m’approcher au plus près du ciel. Très vite le sable s’est dérobé sous mes pas. Ai atteint le dos du rouleau.
Marchant sur sa crête de coq-quillage, me suis entaillée les plantes de pied.
Pensais y glisser, comme dans une mousse affable, mais non ! N’étais même pas au sommet de la vague, qui me narguait dans un remous livide. Ses fines petites dents de squale, chatoyantes dans l’aigu, se sont plantées dans ma chair, mille aiguilles fouillant les ouvertures béantes par où s’engouffrèrent l’eau tourbillon.
Eu froid, très froid, l’ombre de la tortue allait bientôt me recouvrir. Elle arrivait sur moi. Mais ne le sus pas.
Devins écume.
Eve de Laudec, 13/11/2012
Le tableau m’inspira ce texte dans le cadre des vases communiquants de décembre 2012.
J’en remercie la peintre Christine Leininger.