Pour tous ces grands voyages que nous ne ferons pas
Pour autant de rivages où ne crierons pas terre
Pour cet avion si pâle en forme de trépas
Pour un vaisseau fantôme qui sous les draps se perd
Contre toi à chaque heurt
Contre toi je trépas
Pour tous ces clairs de vie que tu as occultés
Pour mes jambes coupées et pour tes lèvres closes
Pour tant d’obscurs soleils jamais réanimés
Pour la fuite du tant et du si peu de choses
Contre toi à chaque peur
Contre toi je trépas
Pour l’aigle décapité au fond de sa tanière
Pour savoir au matin l’improbable horizon
Pour une inspiration délitée en lanières
Pour dénouer l’amant à chaque expiration
Contre toi à chaque leurre
Contre toi je trépas
Pour tarir en reflux les mots écartelés
Pour les rires insensés engloutis dans la vase
Pour l’été vomissant une errance gelée
Pour le désir de mordre dans une terre arase
Contre toi à chaque heure
Contre toi je trépas
Pour un écheveau d’âme dénouée en poussière
Pour un iris aveugle embrasé de terreur
Pour n’espérer demain rejouant comme hier
Pour à contre courant éteindre la lueur
Contre toi à chaque cœur
Contre toi n’être pas
Eve de Laudec
Extrait du recueil Crilence » chez Chum Editions 2013 ISBN 979-10-92613-10-0